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Les groupes de parole de Mushubati

L’objectif premier de l’association est de soutenir l’existence et la tenue de groupes de parole des femmes rescapées du génocide des Tutsi qui vivent sur les collines autour de Mushubati, les groupes de parole étant animés par Émilienne Mukansoro.


Lors de l’un de nos séjours au Rwanda, à l’automne 2018, nous avions eu l’immense honneur d’être accueillies par les femmes de deux groupes de parole, l’un à Muhanga, l’autre à Ntongwe, animés par Émilienne depuis plusieurs années.

Des échanges qui nous ont marquées pour la vie, et qui nous ont montré l’importance de ces groupes dans la vie des femmes rescapées, groupes qui les ont aidées à sortir de l’isolement auquel le génocide les avait condamnées et à réapprendre à vivre.

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Quelques paroles des femmes lors de cette rencontre :

  Après le génocide, nous nous sommes retrouvées malades. Moi, je me suis dit que je n’aurais pas de meilleur médicament que de rencontrer mes semblables.
  Le groupe m’a écoutée, et j’ai écouté les autres. J’ai accepté, je suis sortie de l’isolement.
  Les autres ont choisi de vivre, et je me suis dit « pourquoi pas moi ? ».
  Après le génocide, j’étais comme folle. Je croyais que j’étais maudite, incapable d’être avec les autres. En fait, avec les autres, je peux vivre.
  Notre groupe fonctionne comme la vie de famille que nous avions et que nous avons perdue. Nous savons que nous pouvons compter les unes sur les autres tout au long de la vie.
  Le groupe m’a fait renaître
  Je n’ai pas vécu ma jeunesse, mais je remercie Dieu de me permettre de vivre une vieillesse.
  Ici, j’ai retrouvé une famille et la jeunesse que je n’ai jamais vécue, je la revis avec le groupe.
  Ne nous oubliez pas.
  Revenez nous voir, nous vous aimons.

Les échanges auxquels nous avons assisté nous ont tellement bouleversées que nous avons pris la décision d’aider Émilienne pour la création d’autres groupes de parole afin de venir en aide au plus grand nombre possible de femmes, encore isolées, géographiquement mais surtout affectivement, 25 ans après le génocide.


Dès septembre 2018, au lendemain de cette rencontre, nous nous sommes engagées à financer la constitution et la tenue de 2 nouveaux groupes de 20 femmes, qui devaient être au préalable identifiées par Émilienne sur les collines autour de Mushubati. Ces deux groupes se sont tenus pour la première fois dès le début du mois de décembre 2018.

Lors de leur première réunion, chaque groupe s’est choisi un nom : « Ndiho » (« je suis vivante ») et « Abahirwa » (« les bénies »)

L’association finance les déplacements des femmes de leur domicile vers le lieu de rencontre à Mushubati. Les réunions ont d’abord eu lieu dans la maison d’Émilienne, avant que naisse le projet de Maison des femmes.
La géographie du Rwanda explique que les femmes habitent parfois loin, à plusieurs heures de marche de Mushubati (sur la colline de Sure ou la colline de Ruhingo, par exemple, où nous nous sommes rendues en octobre 2019, à plus d’une heure de taxi-moto sur des chemins de terre). Les dons réguliers permettent à Emilienne de leur payer le transport (taxi-moto, ou taxi-minibus) pour leur éviter une marche parfois pénible, qui les dissuaderaient de venir, notamment pour les plus malades d’entre elles.


Au début de chaque séance, Émilienne accueille chaque participante en la prenant dans ses bras, en lui demandant de ses nouvelles.

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  J’essaie d’accompagner la souffrance des autres. A chaque début de séance, j’embrasse tout le monde. Embrasser tout le monde, il y a un psychiatre qui m’a dit que ce n’était pas éthique. J’ai dit OK, mais moi ça ne me fait rien.
Pourquoi j’embrasse tout le monde ? Parce que les gens que je veux rencontrer, que je veux accueillir dans cet espace protégé, ne sentent pas tous la même chose. Quand j’embrasse quelqu’un, je sens son cœur. Et quand le cœur bat trop vite, je reste un tout petit moment. Parce que je me dis qu’il se passe quelque chose, dans mon contact avec cette personne, il se passe quelque chose. Je m’arrête, je lui demande : comment vas-tu aujourd’hui, qu’est-ce qui se passe. Tu as été malade ? Et là je sens que les battements du cœur diminuent. Autrement dit, quand le cœur n’est pas à sa place, je le sens.
Et après je commence le groupe.

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Quand, en groupe, une femme partage : « je ne crois pas que je pourrai avoir, dans les jours qu’il me reste, un cœur tranquille, un cœur à sa place, tellement j’ai emmagasiné de choses, tellement je porte de choses, que mon cœur peut-être s’est déplacé pour laisser place à tous ces terribles choses ». Qu’est-ce que le groupe peut apporter à cette femme ? Le groupe va pouvoir enlever ce qui a pris la place du cœur. Il va l’aider à remettre son cœur à sa place. Quand elle y sera arrivée, quand son cœur sera à sa place, elle pourra être calme, tranquille, elle pourra penser à autre chose, pourra aborder son passé sans y être enfermée. Les femmes disent : « Je pourrai réfléchir à mes enfants, à la vie, quand mon cœur aura repris sa place. »

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A l’issue de chaque groupe, les femmes partagent une boisson et des beignets avant de rentrer chez elles. Les dons permettent également de leur offrir ce moment de convivialité.

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Au moment de se séparer, elles s’étreignent en se disant : « Tu n’es plus seule ».

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La tenue des groupes de parole de Mushubati coûte 50 à 55 € par mois et par groupe. Émilienne prévoit d’ouvrir un 3ème groupe prochainement. L’association verse à Émilienne 160 € / mois pour l’organisation et la tenue des groupes.